Le roman d’Oxford

Il est des livres sournois, qui, tapis dans l’ombre, vous sautent dans la main quand vous approchez des rayons de la bibliothèque. Comme celui-ci, le roman d’Oxford, de l’écrivain espagnol Javier Marias (disparu en 2022). La couverture est belle : un tableau de Edward Hopper, où le personnage élégant mais sans regard, fait songer à la solitude presque indifférente du narrateur du roman d’Oxford, qui passe en invité étranger parmi une foule de personnages, admirablement décrits. Au verso, du livre, le prix, encore libellé en francs, s’affiche : 99 FF. La traduction française est parue en 1989.

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Comme le souhaitait Flaubert, l’intrigue n’est pour rien dans le plaisir que l’on prend à la lecture (ou à la relecture) de ce livre.Ce qui retient avant tout l’intérêt du lecteur, c’est avant tout l’introspection que l’auteur prête à chacun de ses personnages, qu’il s’agisse de la belle Clare Bayes, dont « Je » devient l’amant, ou du narrateur, double à peine voilé de l’écrivain, qui enseigna quelque temps la traduction à l’université d’Oxford. Ainsi ce magnifique passage sur l’enfance, digne de l’ami Marcel :

Elle aussi me regardait, et elle me regardait comme si elle me connaissait depuis bien longtemps, presque comme une de ces figures dévouées et secondaires qui peuplent notre enfance et sont incapables, plus tard, de nous voir en adultes détestables que nous sommes, mais, heureusement pour nous, continueront éternellement à nous voir enfants de leur regard inerte déformé par la mémoire.

Pourtant, il faut bien reconnaître qu’introspection et digressions ne font pas toujours bon ménage. Ainsi le lecteur sera peut-être agacé de lire quatre pages sur la poubelle et son contenu, ou bien encore par le passage en revue des clochards de la ville d’Oxford, ce qui à mon avis n’apporte pas grand chose au roman, si ce n’est du point de vue de la pagination…

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